Cette statue représentant l'Helvétie resta à l'état d'ébauche alors qu'elle aurait dû se dresser sur la place devant le Palais fédéral à Berne. Son financement fut la raison officielle invoquée pour sa non-réalisation, mais son rejet fut en fait d'ordre idéologique, l'œuvre ayant été retenue trop hardie sur le plan iconographique. La maquette montre en effet une Helvétie combattante et révolutionnaire, dressée sur un rocher figurant l'Etat fédéral constitué des différents cantons. La statue brandit fièrement le drapeau suisse sur lequel étête le bonnet de Guillaume Tell alors qu'elle piétine de son pied gauche les emblèmes de la tyrannie royale.
Une maquette est à l'origine de tous les monuments importants sortis de l'atelier du sculpteur, quelquefois il existe même une maquette de la statue et du socle. Les esquisses de Vela montrent un degré avancé de finition jusque dans les plus petits détails, à l'opposé de celles de Canova, par exemple, exécutées d'un seul jet et fruits d'une impulsion créative immédiate. On en trouve l'explication dans la poétique de la vérité qui opère déjà à ce stade de la genèse de l'œuvre et dans l'exigence dont fait preuve l'artiste pour convaincre le commanditaire de la plausibilité du choix adopté. Dans ce processus, soit la maquette s'en tient à la première idée de l'auteur dont elle est déjà une exécution détaillée, soit elle propose des variantes qui constituent une série de véritables «petits chefs-d'oeuvre». Les maquettes permettent d'observer la méthode de travail et l'éla-boration de l'inspiration du sculpteur.
Le sculpteur attache un soin tout particulier aux maquettes qu'il présente aux concours. Pour le Monument à Cavour, Vela propose à la Ville de Turin les deux versions exposées. L'artiste est un innovateur à la fois dans la typologie (monument fontaine), que dans l'iconographie allégorique peu conventionnelle inspirée du Risorgimento. A l'époque, le sculpteur le plus en vue de la ville de Turin subit comme un échec le fait de ne pas avoir gagné le concours pour lequel il avait travaillé dans ses moindres détails, comme en témoignent les deux maquettes conservées et exposées ainsi que de nombreuses esquisses.
Avec cette maquette, Vela participe au concours lancé par Asti pour honorer le célèbre poète tragique Vittorio Alfieri (1749-1803), natif de cette ville. Transféré depuis peu dans le Piémont, le jeune sculpteur ne veut pas perdre une telle occasion de se faire connaître grâce aux répercutions évidentes d'une commission publique. Après quelques études au crayon (voir dans cette salle, n°36) il articule l'œuvre sur deux niveaux: pour la partie supérieure un portrait romantique debout d'Alfieri; pour la partie inférieure, deux figures allégoriques dont une Tragédie bizarrement emmitouflée, armée d'un poignard et flanquée d'une rare allégorie masculine représentant le Piémont.